J'écris depuis aussi loin qu'il m'en souvienne. A quatre ans je savais lire et écrire, à huit ans j'ai dévoré Les Gens de Mogador parce que les livres pour enfants m'emmerdaient, au même âge j'ai plongé dans la poésie de Ronsard, du Bellay et Prévert, découvert les odes, les lais, les alexandrins, en même temps que j'apprenais à aimer la musique, le sens des paroles, l'origine des styles, leur destination... Que ceux qui n'y comprennent rien me pardonnent, mais j'adore le rap ! Le rap intelligent, celui qui joue avec les mots et qui les rythme avec un son qui vous fait vibrer, le rap qui crache le mal de vivre, l'injustice, les blessures, mais aussi la tolérance et l'amour des autres. Ce rap là s'écrit dans toutes les langues, il est porteur de messages qu'il suffit de bien vouloir écouter et décrypter. Ce devrait être chose aisée puisque ma langue, la vôtre, est riche et belle. Elle nous offre un mot pour chaque moment, chaque sentiment, chaque douleur, elle nous permet d'exprimer nos passions, nos engagements, nos coups de gueule, avec exigence et raffinement. Hélas bien peu savent vraiment la lire, c'est-à-dire en comprendre le sens et les subtilités. Et je la vois si souvent dévoyée, maltraitée, mal aimée, que c'en est une vraie souffrance. Laquelle se change en colère lorsque ce sont des personnes publiques, politiques pour la plupart, qui s'en servent pour faire passer des messages d'intolérance et de haine envers ce qu'ils ne comprennent pas.
Ces derniers jours le hashtag #PasDeMédineAuBataclan prend de l'ampleur sur les réseaux sociaux, lancé par l'extrême-droite bien sûr, mais également alimenté par une certaine droite qui ne sait plus où poser les limites de la décence. La course aux voix ne justifie pas que l'on écrive tout et n'importe quoi, ni que l'on se laisse abuser par des discours de rejet sans fondement. Si l'on ne sait pas lire sa propre langue on a au moins la décence de se taire. Mais qui fera taire des hommes et femmes politiques qui se disputent l'intérêt des médias ? Qui saura dire STOP à celles et ceux qui crachent leur intolérance sous prétexte d'imposer ce qu'ils osent nommer "respect" ou "laïcité". Deux mots dont ils ont oublié le sens premier, les valeurs qui les fondent et l'importance qu'ils ont dans l'équilibre de notre société. On ne peut pas au nom de ces deux mots lancer des appels aux relents de racisme qui fleurent tellement la xénophobie que l'extrême-droite saute de joie en se voyant ainsi épaulée. On ne doit pas brandir comme un étendard les victimes du Bataclan pour prôner l'intolérance envers un rappeur dont on ne connaît pas les textes. Avant toute démarche politique qui induit d'attirer l'attention des français, le respect serait de s'informer, d'étudier lesdits textes, d'écouter le rap de Médine et ensuite de décider si oui ou non on continue dans la voie choisie. Allez sur YouTube mesdames et messieurs les censeurs, mettez le son à fond et ressentez toute la passion, la révolte légitime et l'intelligence des mots de Médine. Ensuite vous jugerez, mais pas avant de l'avoir fait.
Que dit le rappeur exactement dans ce texte tant décrié, et dans tant d'autres ? Il dénonce toutes les formes de violence, le terrorisme, la radicalisation dans les cités, et l'apologie de l'immoralité. Ses mots sont autant de coups de poings dans le ventre pour réveiller les consciences endormies ! "Crucifions les laïcards comme à Golgotha" est la petite phrase assassine qui choque qui au juste ? Tous ceux qui utilisent la laïcité comme l'ultime argument pour imposer une religion, le catholicisme. Hors il n'y a pas dans notre République de religion d'état, et la laïcité justement garantit aux croyants comme aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions.en leur assurant le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir. Une définition très simple à comprendre que la droite de Laurent Wauqiez, certaines personnalités se revendiquant du Printemps Républicain aux penchants furieusement islamophobes, qui entre parenthèses a pondu pour l'occasion un communiqué qui est un monument d'hypocrisie, et l'ensemble de l'extrême-droite française feraient bien d'assimiler une bonne fois pour toutes. Car il devient très embarrassant d'avoir sans cesse à rappeler à des personnalités politiques prétendument engagées pour la France et censément instruites de ses lois qu'ils se doivent de les respecter. Celle du 9 décembre 1905 en tout premier lieu, car elle a instauré équilibre et modernité dans la société française et veille à perpétuer les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité qui assurent sa pérennité.
Rappelons également que le Bataclan est une salle indépendante, et que les partis politiques d'où qu'ils soient n'ont pas à influer sur sa programmation. Vous et moi non plus. La pétition qui circule pour interdire Médine au Bataclan est à l'initiative d'un ancien élu du Front National lié aux réseaux identitaires et qui se revendique comme tel, quiconque la relaie contribue à fortifier ceux-ci qui sont la lie de notre société. Les réseaux sociaux, mais aussi le monde politique, baignent dans une certaine confusion entre islam et laïcité qui mène la vox populi à vouloir imposer une forme de respect de tout et de rien qui est le comble de l'intolérance. Nous avions pu le constater l'année dernière au sujet du concert de Black M lors des commémorations de Verdun, puis avec Maryam Pougetoux qui ose, ô sacrilège, porter le foulard alors qu'elle est syndicaliste. Les associations les plus improbables se déchaînent, appelant à la vindicte populaire et faisant le jeu des identitaires et de l'extrême-droite qui s'empressent de festoyer en se frottant les mains. L'aubaine est trop belle pour être boudée, le travail de communication leur est mâché avant d'être régurgité et tout ce petit monde bien propre sur lui se noie dans son propre vomi satisfactoire. Dans un autre ordre d'idée des films, des œuvres classiques, des artistes, sont cloués au pilori de la censure et de la bondieuserie. Dans notre pays en 2018 il ne fait pas bon penser hors les lignes, et il est dangereux de dénoncer les abus, les écarts et la banalisation de la haine. Alors c'est simple, si vous n'aimez pas le rap de Médine ne l'écoutez pas mais laissez-le réaliser son rêve de jeunesse et monter sur la scène du Bataclan. Il a tout comme vous droit à la libre expression et au partage de son talent.
Il n'y a dans ce billet aucun irrespect envers les victimes du Bataclan, très peu d'entre elles se sont manifestées et l'on fait en partageant des messages de tolérance sur les réseaux sociaux. Le fait est que seuls les avocats d'une dizaine de familles de victimes on annoncé qu'ils déposeraient lundi un recours s'appuyant sur un risque de trouble à l’ordre public et la notion d’ordre public moral. Cette dernière peut sembler hors contexte, les textes du rappeur ne contrevenant pas à celui-ci. Dans cette optique nous vous invitons à lire attentivement le texte qui a mis le feu aux poudres, ensuite ce sera à vous de juger du bien fondé ou non de ce billet...
Rappel
Médine était signataire de la tribune "Nous sommes unis" parue dans Libération le 15.11.2015, soit deux jours après l'attentat du Bataclan. Il s'était en début d'année expliqué sur le morceau Don't Laïk, sorti une semaine avant l'attentat contre Charlie Hebdo ce qui lui avait déjà valu de nombreuses attaques : "Don’t Laïk est aux fondamentalismes laïques ce que les caricatures de Charlie Hebdo sont aux fondamentalismes religieux." (tribune dans L’Obs le 13.01.2015) "Il faut le juger comme un morceau de rap et non pas comme un pamphlet islamiste. Il s’agit non pas d’une critique de la laïcité, mais plutôt de ce qu’on en fait, et de ce qui devient de plus en plus de la propagande anti-religieuse" (interview sur LCI du 03.02.2015)
Don't Laïk
Dieu est mort selon Nietzsche
« Nietzsche est mort » signé Dieu
On parlera laïcité ente l'Aïd et la Saint-Matthieu
Nous sommes les gens du Livre
Face aux évangélistes d'Eve Angeli
Un genre de diable pour les anges de la TV Reality
Je porte la barbe j'suis de mauvais poil
Porte le voile t'es dans de beaux draps
Crucifions les laïcards comme à Golgotha
Le polygame vaut bien mieux que l'ami Strauss-Kahn
Cherche pas de viande Halal dans tes lasagnes c'est que du cheval
Au croisement entre le voyou et le révérend
Si j'te flingue dans mes rêves j'te demande pardon en me réveillant
En me référant toujours dans le Saint-Coran
Si j'applique la Charia les voleurs pourront plus faire de main courante
Ils connaissent la loi, on connait la juge
Pas de signe ostentatoire, pas même la croix de Jésus
J'suis une Djellaba à la journée de la jupe
Islamo-caillera, c'est ma prière de rue
Ta barbe, rebeu, dans ce pays c'est Don't Laïk
Ton voile, ma sœur, dans ce pays c'est Don't Laïk
Ta foi nigga dans ce pays c'est Don't Laïk
Madame monsieur, votre couple est Don't Laïk
On ira tous au paradis, tous au paradis on ira
On ira tous au paradis, tous au paradis incha'Allah
On ira tous au paradis, tous au paradis on ira
On ira tous au paradis, enfin seulement ceux qui y croient
Ils n'ont ni Dieu ni maître à part Maître Kanter
Je scie l'arbre de leur laïcité avant qu'on le mette en terre
Marianne est une femen tatouée "Fuck God" sur les mamelles
Où était-elle dans l'affaire d'la crèche?
Séquestrée chez Madame Fourest
Une banane contre le racisme, du jambon pour l'intégration
Pour repousser les nazislamistes, on
Ferme les portes de l'éducation
"Ah bon? Pardon patron, moi y'a bon"
Vas-y Youss', balances le billet
J'mets des fatwas sur la tête des cons
Religion pour les francs-maçons, catéchisme pour les athées
La laïcité n'est plus qu'une ombre entre l'éclairé et l’illuminé
Nous sommes épouvantail de la République
Les élites sont les prosélytes des propagandistes ultra laïcs
Je me suffis d'Allah, pas besoin qu'on me laïcise
Ma pièce de bœuf Halal, je la mange sans m'étourdir
À la journée de la femme, j'porte un Burquini
Islamo-racaille c'est l'appel du muezzin
Ta barbe, rebeu, dans ce pays c'est Don't Laïk
Ton voile, ma sœur, dans ce pays c'est Don't Laïk
Ta foi nigga dans ce pays c'est Don't Laïk
Madame monsieur, votre couple est Don't Laïk
On ira tous au paradis, tous au paradis on ira
On ira tous au paradis, tous au paradis incha'Allah
On ira tous au paradis, tous au paradis on ira
On ira tous au paradis, enfin seulement ceux qui y croient
Que le mal qui habite le corps de Dame Laïcité prononce son nom
Je vous le demande en tant qu'homme de foi
Quelle entité a élu domicile dans cette enfant vieille de 110 ans ?
Pour la dernière fois ô démons, annoncez-vous ou disparaissez de notre chère valeur
Nadine Morano, Jean-François Copé, Pierre Cassen et tous les autres
Je vous chasse de ce corps et vous condamne à l'exil pour l'éternité
Vade retro satana