Le 14 mars 2015 Robert Ménard, maire de Béziers, débaptisait la rue du 19 mars 1962 pour la rebaptiser rue du Commandant Hélie Denoix de Saint-Marc. Un acte qui suivait une commémoration le 5 juillet 2014, dans le cimetière de Béziers, des "Massacres d'Oran" (5 juillet 1962) devant une stèle en l'honneur de quatre membres de l'OAS condamnés par la Cour Militaire de Justice et derniers fusillés de l'histoire de notre pays. Rappelons ici que l'Organisation Armée Secrète était une organisation militaire et politique française créée le 11 février 1961 pour assurer la défense de la présence française en Algérie par tous les moyens, ce qui incluait de nombreux actes de terrorisme.
N'écoutant que la voix de son maître à penser, en l'occurrence Jean-Marie Le Pen, le maire de Beaucaire a jeté les bases d'une démarche similaire lors de la cérémonie de commémoration du cessez-le-feu officiel de la Guerre d'Algérie. Ses motivations ? Elles sont simples, voire même simplistes, et empreintes d'une nostalgie du colonialisme fondée sur le racisme. Bien entendu Julien Sanchez la dissimule habilement derrière la nécessité de "laver l'affront fait aux anciens" auquel il ajoute fort opportunément les harkis en guise d'écran antiraciste. Mais la teneur de son discours est claire :
"Le 19 mars, dans chaque ville de France, nous sommes tenus d'organiser une cérémonie. Je le fais parce que je suis républicain. Néanmoins, je ne peux que regretter le choix de cette date, qui est un choix polémique. J'ai décidé de laver l'affront que représente cette date pour beaucoup de nos anciens. Je débaptiserai dans les prochaines semaines la rue du 19 mars 1962 et lui donnerai un nom moins polémique. Pourquoi pas celui d'un Beaucairois mort pendant ce conflit ? Je ferai connaître mon choix dans les prochaines semaines. Le fait d'avoir une rue du 19 mars 1962 peut être considéré comme une insulte pour tous ceux qui son morts après. On a eu le massacre de la rue d'Isly à Alger le 26 mars, mais aussi le massacre d'Oran le 5 juillet 1962. Je pense qu'il faut effacer ce choix-là, et donner un nom qui rappellera la vraie histoire et qui ne blessera personne."
Finalement il expliquera en conseil municipal du 4 novembre avoir trouvé trop difficile de choisir entre les noms des trois beaucairois inscrits au monument aux morts du cimetière de Beaucaire. Il semble que pour le maire Front National de Beaucaire il soit nettement plus aisé et logique de donner à cette rue celui de 5 juillet 1962 Massacres d'Oran... Est-ce un choix moins polémique que celui du 19 mars 1962 ? Certes non ! A moins qu'il ne soit doté d'une mémoire sélective il ne peut occulter le fait que c'est l'OAS qui porte la principale responsabilité du drame qui s'est hélas joué en cette triste journée à Oran en refusant la date du 19 mars 1962 et en menant pendant plusieurs mois une politique de provocation en multipliant les attentats et les actions commandos. Faisons hurler les nostalgiques pendant qu'on y est, et rappelons-leur que s'il faut opposer le nombre de morts causées parmi nos deux populations l'OAS gagne haut la main ! Terrible constat...
Ne vous laissez pas embarquer dans une dangereuse et improbable réécriture de l'histoire et craignez-en les inévitables retombées. Par ce choix particulièrement ignoble Julien Sanchez ravive les blessures des pieds-noirs, celles des algériens, et il efface purement et simplement un symbole de paix pour y substituer les germes rances d'un douloureux conflit. Il flatte l'électorat des rapatriés d'Algérie et de leurs familles et garde sous la main les harkis et leurs descendants pour les encourager à voter Front National. En brossant les uns et les autres dans le sens du poil il s'assure d'un nombre de votants relativement important et assoit sa carrière politique sur les blessures de notre passé commun avec l'Algérie, mais aussi avec la Tunisie et le Maroc dont cette date signe également la fin des combats. Sans état d'âme, en fin stratège, il signifie aux français issus de l'immigration du Maghreb qu'il leur dénie le droit de se considérer comme des français à part entière, il les oblige à porter le lourd fardeau d'une mémoire collective et ne leur permet pas de vivre en paix avec nous dans ce qui est, ne lui en déplaise, leur propre pays.
Amis beaucairois je vous mets en garde contre les conséquences de ce changement, car c'est vous qui en paierez le prix. Il n'a rien d'anodin, n'y voyez pas pour ceux qui s'y opposent une énième critique des actions passées de la municipalité purement liée à la gestion de notre ville. Si n'importe quel élu de n'importe quel parti politique l'avait proposé nous aurions réagi avec la même force, la même détermination. Il s'agit là de préserver l'Histoire avec un grand H, celle de notre pays et d'une région du globe à laquelle nous sommes indéfectiblement liés. Il est pour nous primordial de protéger l'ensemble des beaucairois d'une démarche négationniste et raciste, qui est en sus un déni de démocratie. Ce changement de nom est une incitation à la haine, il verse de l'acide sur des plaies qui ne sont toujours pas refermées et qui ne se refermeront probablement jamais ! Mais de cela Julien Sanchez se moque comme de sa première chemise... Lui n'a qu'un but, toujours le même, faire parler de lui pour grandir au sein de son parti et atteindre les sommets. Que ce soit au détriment de Beaucaire ne l'interpelle pas, pour lui notre ville ne représente qu'un échelon, un tremplin pour sa carrière, et malheureusement beaucoup d'entre vous qui ont voté Front National par déception, lassitude, frustration ou simple curiosité se laissent berner et emmener vers des chemins qu'ils n'ont pas forcément choisi de suivre.
Il est facile à Julien Sanchez de dynamiser ses troupes ! Quoiqu'il n'ait pas la prestance d'autres politiques il est doté d'un vrai charisme et c'est un orateur de talent. Ce n'est pas pour rien qu'il est le "Monsieur Loyal" des meetings du Front National, il faut le voir exhorter les frontistes à le suivre jusque dans les urnes, les manipuler avec aisance pour leur faire avaler un discours négationniste et antirépublicain qu'ils applaudissent sans sourciller, et s'en pourlécher ensuite les babines comme un chat devant un bol de crème ! Quelqu'un m'a un jour suggéré qu'il faisait penser à Ka, le serpent sournois du dessin animé Le Livre de la Jungle qui hypnotise ses proies avant de les dévorer, eh bien c'est tout à fait cela ! "Aie confiance... Aie confiance..." susurre-t-il avant de les étouffer dans les cercles concentriques de ses redoutables anneaux... Une métaphore pas si osée qu'elle en a l'air, le processus d'étouffement étant inscrit dans les gènes du Front National.
Il y a des politiques et des gens que l'on peut sans hésiter mettre dans des cases, notamment parce qu'ils ne respectent rien. Julien Sanchez en fait partie. Il entre dans celle sur laquelle est inscrit, entre la flamme tricolore et une tête de mort, "Danger Pour La République".
Rappel :
La date officielle du cessez-le feu est arrêtée le 18 mars 1962 par les accords d'Evian qui réunissaient des représentants du gouvernement français et du Front de Libération National. Le 29 novembre 2012, le Conseil constitutionnel déclarait conforme à la constitution la loi qui instaurait le 19 mars 1962 comme "journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie." Annulant de ce fait la date du 2 juillet 1962 précédemment votée le 1er décembre 1999.