Cette manie des frontistes de nous asséner notre histoire en toute occasion sous prétexte de ne pas l'oublier me laisse à penser qu'eux ont sans doute des problèmes de mémoire. J'en prends pour preuve la manipulation dont ils font l'objet au sein de leur propre parti au fil des affrontements qui opposent Jean-Marie Le Pen et sa fille. Laquelle en réalité ne se soucie guère des propos tenus par son père et ne cherche qu'à donner à son parti une nouvelle impulsion qui fera oublier son histoire. D'une certaine manière j'en viendrais presque à plaindre l'ex président d'honneur du Front National que sa fille dépossède de sa légitimité avec impudence. Il est vrai qu'elle ne fonctionne qu'en choix d'opportunité et nous a maintes fois prouvé qu'elle n'était pas à une bassesse près pour se rapprocher du pouvoir suprême tant convoité ! Fallait-il pour cela tuer le père ? Oui, mille fois oui.
Le poids du fondateur du Front National pèse sur son électorat, qu'on l'aime ou qu'on le haïsse il ne laisse jamais indifférent et peut encore, malgré son âge (ou peut-être grâce à lui) mobiliser les foules. Comment exister dans l'ombre d'un homme qui a écrit sa part de l'histoire à grands renforts de coups de gueule et de coups d'éclat ? Une méthode certes discutable mais qui lui vaut l'admiration et le respect de ces français qui trouvent en lui une réponse à leurs frustrations. Jean-Marie Le Pen a donné de l'espoir à une frange de la population que les autres partis ignoraient, il l'a fait en utilisant habilement leurs espoirs déçus, leurs peurs les plus abjectes et leurs jalousies intrinsèques, jouant de leur sentiment d'abandon avec brio pour les attirer dans son miroir aux alouettes.
A contrario Marine Le Pen raisonne en femme d'affaires, elle dirige le parti comme elle le ferait d'une entreprise et multiplie les OPA sans états d'âmes. Son fonds de commerce s'est étendu au gré de l'actualité de ces dernières années, elle ratisse large et sans s'émouvoir de faire figure de girouette ! Ainsi s'entoure-t-elle d'homosexuels au mépris de l'homophobie affichée de son parti depuis sa création, ce qui en soit pourrait convaincre si tous faisaient leur coming out ce qui est très loin d'être le cas. Crainte de déplaire et de ne plus grimper la grisante échelle de l'ascension politique au sein du Front National ? Ah non, pardon ! Ils sont déjà presque tous au sommet... Ce qui ne devrait pas être un signe distinctif, chacun ayant droit aux orientations sexuelles de son choix, le devient dans le parti de la discrimination. Une manière pour Marine Le Pen et consorts de se dédouaner en montrant qu'au fond ils peuvent faire preuve de tolérance. Curieusement les autres partis politiques n'en font pas un fromage, tout se passe avec naturel et l'homosexualité ne devient pas cette arme menaçante qui absout de tous les péchés du monde. Une spécialité du Front National qui s'empresse de la brandir à tous propos sans jamais la reconnaître... Amis de la vérité et de l'outing passez votre chemin, ici vous ne serez accueillis qu'à la condition expresse de vous taire.
Parlons un peu d'antisémitisme et d'identité nationale ! Le discours du Front National visant à s'inscrire dans une normalité socialement acceptable en condamnant les propos de Jean-Marie Le Pen et en affichant un soudain intérêt pour la communauté juive de France n'est que la vision émergente de l'iceberg. Celle blanche et propre qui pourrait prétendre illustrer une mauvaise publicité pour une lessive discount ! La récente mobilisation des cadres du parti, dont Julien Sanchez maire de Beaucaire, autour de l'animateur du site FdeSouche qui affiche clairement ses liens idéologiques avec le Bloc Identitaire et la sphère antisémite la plus radicale dément l'apparente normalisation du Front National. Dans cette continuité l'intégration de la mouvance identitaire à la liste que conduira Marion Maréchal Le Pen en PACA pour les élections régionales confirme leur patiente politique d'infiltration du parti déjà annoncée lors des départementales de cette année. La fachosphère s'affiche dans toute sa diversité avec un naturel confondant, n'hésitant pas à affirmer son appartenance identitaire, manifester son islamophobie, balancer la théorie du grand remplacement dans une conversation ou parler de rémigration ! Un mot inventé de toutes pièces par et pour des personnes qui ne sont que les piètres rapporteurs de la haine de l'autre, les vecteurs du rejet et des peurs ancestrales, des êtres fermés sur un monde blindé et sans saveurs...
Dans un autre registre l'accélération des décisions polémiques prises par les maires des villes Front National affiche clairement un mépris des lois en vigueur sous couvert de patriotisme, d'économie et de sécurité. Passée la première année de gestion ils s'estiment en droit d'instaurer des mesures ouvertement discriminatoires qui s'inscrivent dans la droite ligne des débordements que nous a offert le défilé mené par Marine Le Pen ce 1er mai. Chassez le naturel, il revient au galop ! Violences physiques et verbales, menaces, intimidations, violations de propriété, carnaval de propagande se font l'écho du climat des villes occupées par le Front National qui désespèrent de retrouver le plaisir simple de vivre en harmonie. Dans chacune de ces villes la communication est aux mains des identitaires qui forcent le trait sans aucune subtilité, ne s'embarrassant pas de considérations que d'aucuns jugeraient essentielles comme la véracité des faits...
Mais dans tout cela ce qui est au fond reproché à Jean-Marie Le Pen c'est d'assumer un discours offensif qui ne s'embarrasse pas de fioritures. Sa mise à pied puis son éjection rondement menées sont les claps de fin du vieux film du Front National et sont censés laisser place au nouveau cinéma dont on compte nous gratifier ! Le parti met un point final à sa mue et remise au placard les vieilles badernes qui ne savent pas s'autocensurer pour donner la préséance au discours violemment policé de la nouvelle garde qui, au fond, s'avère plus dangereux parce qu'insidieux et noyé dans une hypocrisie ouvertement populiste. Les alliances conclues avec des partis de l'extrême-droite européenne sont le point d'orgue de la mise en place de ce nouveau Front National et atteste de la latence de l'antisémitisme, substrat incontournable des fondements du parti.
Alors nouveau Front National ? Non. La recette a changé mais la marmite demeure la même. Vieillie, cabossée mais toujours prompte à proposer son immonde ragoût...