Si
l'on voulait approcher Jordan Bardella et les pieds nickelés, sur le
parcours de la Foire de l'Ascension de Beaucaire, il fallait
respecter plusieurs conditions en ce jeudi matin très ensoleillé.
Voyez un peu :
Le dress code
Pantalon
bleu marine et chemise bleue pour les élus, jean ou pantalon sombre
avec chemise blanche pour le bon peuple. Etre un identitaire local,
ça passe crème !
Le physique
Avoir toutes les caractéristiques françaises requises selon l'extrême droite, c'est-à-dire être jeune et jolie pour les filles. Bien propre sur soi pour les garçons. Blondes peroxydées pour les femmes, être mères de famille. Ou avoir toutes les caractéristiques d'une
vieille facho, regards
énamourés en prime. Avoir l'air d'un vieux con, ça marche aussi !
Le lien
Etre
intime avec le maire, les députés, les adjoints municipaux
présents, ou Bardella himself. Faire au moins partie de la bande des
suiveurs adoubés par la municipalité.
La couleur
Etre
blanc, et chrétien de préférence. Ne pas être coloré, d'origine
maghrébine, ou africaine. Bref ! Ne pas avoir l'air d'un étranger, et surtout pas d'un musulman.
La position socio-politique
Ne
surtout pas faire partie des "cassos", des opposants
répertoriés par la ville, encore moins des antifascistes qui sont
sur la liste noire du parti. Lesquels sont immédiatement catalogués
"persona non grata" et renvoyés dans les cordes.
Ne
respectant aucune de ces conditions, hormis l'âge sans doute, je
n'ai donc pas pu approcher la petite bande des héros du jour. Pour
la première fois depuis onze ans que je m'oppose à la municipalité
d'extrême droite, j'ai été empêchée de leur parler. Désignée à
la vindicte du service d'ordre par le collaborateur du maire, Cédric
Rodriguez, j'ai été bousculée par ce dernier, qui a précisé à
la police nationale que je ne devais pas passer. Les flics m'ont donc
refoulée sans ménagement, comme si j'étais une dangereuse
activiste. Que le service d'ordre fasse son travail de protection,
okay ! Mais ils n'étaient pas obligés de me traiter avec si peu
d'égards, me repoussant si violemment que j'ai failli tomber. Ce
sont des personnes qui se tenaient derrière moi qui m'ont rattrapée.
Depuis, je m'interroge. Ai-je vraiment l'air d'une terroriste,
fomentant quelque attentat juteux contre le président du
Rassemblement National ? Je suis non violente, toujours courtoise
avec les élus et personnalités que je rencontre, quelles qu'elles
soient. Ma seule arme, c'est ma plume. A ce que je sache, elle n'a
encore jamais causé de dégâts physiques. Aurait-elle à ce point
traumatisé la pseudo team patriote de ce jour de fête beaucairoise
?
Le
constat est simple. Jordan Bardella, qui se prétend proche du
peuple, tient celui-ci à distance. Il ne veut pas que le peuple en
question l'approche de trop près. Pas dans sa globalité et sa
réalité. Alors son entourage effectue un tri préalable, très
sévère, qui en dit long sur le sens qu'il donne au mot proximité.
C'est vrai que le mal être du peuple, sa réalité populaire, ses
difficultés sociales, sa mixité culturelle, ce pourrait être
contagieux, et pervertir l'univers lisse et doré dans lequel évolue
le jeune président du parti. Il n'a pas fait un seul selfie avec une
personne qui ne soit pas de type européen. Ce qui en dit long... Tu
veux le brosser dans le sens du poil, et faire des selfies en te
jetant dans ses bras ? Tu passes le cordon de sécurité. Tu n'as pas
la gueule de l'emploi et la brosse à reluire ? Tu ne passes pas. Pas
de dialogues au programme de cette déambulation sur le canal, et
dans des lieux stratégiques de Beaucaire. Uniquement de
l'autosatisfaction. De l'autocongratulation. Et cela, c'est
typiquement le comportement des élites qu'ils prétendent dénoncer.
On a eu droit bien sûr aux bobards habituels, déversés aux médias
qui ont couvert l'événement. Ainsi a-t-il vanté la gestion de
Beaucaire, et encouragé les beaucairois à "réélire"
Nelson Chaudon. Lequel n'a jamais été élu, mais mis en place par
Julien Sanchez pour le remplacer. Précisant que lorsque l'on a un
bon maire, on le garde. Mais que connaît-il à la gestion d'une
ville, lui qui n'a jamais travaillé de sa vie ? Comment peut-il
juger de ce qui est bon ou pas pour notre ville, dont il ne sait rien
? Beaucaire, vitrine du Rassemblement National, se meurt. La ville
agonise lentement depuis dix ans. Et même si Nelson Chaudon
souhaitait se présenter en 2026 - ce qui est probable mais qu'il
n'a pas confirmé - et agir pour la ville qui l'a vu naître et
grandir, le mal est fait et difficilement rattrapable. Surtout s'il
met ses pas dans ceux de Julien Sanchez, ce qu'il a hélas déjà
commencé à faire.
Alors
soyons réalistes. La venue de Jordan Bardella n'a mis que ses fans
en ébullition, pas la ville elle-même. Nombreux sont ceux qui
sont restés éloignés de la team en bleu, et qui n'étaient pas
forcément ravis de les voir déambuler dans nos rues. Les
oppositions, qui auraient pu saisir ce moment unique cher au cœur des
beaucairois pour les rencontrer, ont brillé par leur absence. Jordan
Bardella n'avait pas besoin de tapis rouge, le pavé lui a été
laissé entièrement libre d'accès. Sans opposition d'aucune sorte. Cette ville bougera peut-être un jour, mais le moment n'est clairement pas venu. En attendant, je vais
digérer l'affront qui m'a été fait. Comme tant d'autres avant
celui-là ! Parce que tout ce qui importe, c'est le combat contre l'extrême droite. Et qu'être antifasciste, c'est avoir le cuir épais, encaisser, et avancer. Et regarder vers l'avenir #siamotuttiantifascisti