Ce qui est compliqué lorsque l'on vit dans une ville gérée par le Front/Rassemblement National c'est de savoir mesure garder. Quelle que soit la force de notre engagement dans la lutte contre l'extrême droite, que nous soyons militants ou pas, citoyens lambdas, opposants actifs ou simples spectateurs conscients des enjeux, il n'est pas possible de mettre une partie des habitants de notre ville au ban de notre concept de société fréquentable. Ces personnes nous les connaissons, nous les fréquentons de manière plus ou moins régulière, nous les croisons au hasard des évènements associatifs ou sportifs, sur le marché ou aux terrasses de café, nous les avons parfois admis dans le cercle de nos amis réels ou virtuels, nous échangeons avec eux sur les fils de discussion des groupes Facebook de notre ville... Celles et ceux qui sont nés ou ont grandi dans nos villes sont allés dans les mêmes ėcoles, ont fait du sport ensembles, ont ri, bu et dansé dans les mêmes bodegas, participé aux mêmes festivités. Ils et elles sont attachés aux mêmes traditions locales et partagent un même amour de leur territoire. Il est donc impossible, compte tenu de ces paramètres, de tirer un trait du jour au lendemain sur une partie de la population sous prétexte qu'elle a voté FN/RN, qu’elle a sa carte du parti ou qu’elle est simplement sympathisante. Hormis lorsque l'on a affaire à des bas du front qui sont parfois de vrais caricatures d'eux-mêmes, on ne peut donc pas se couper des autres. Et on ne le doit pas.
Loin de moi l'idée saugrenue que l'on pourrait convaincre ces personnes de changer d'avis, mais on peut à tout le moins échanger des points de vue sans rendre un pouce de terrain à des idées, des concepts, des propos qui nous rebutent. Sans plier l'échine. Ce qui permet, en restant fermement ancré sur ses positions, de peut-être donner à l'autre à réfléchir. Ou pas. L'essentiel résidant dans le fait de pouvoir se côtoyer le plus sereinement possible. Parce qu'il est important de ne jamais oublier qu'en dépit de nos différences nous partageons à priori un même amour de notre ville. Il ne s'agit pas de débattre du bien-fondé de telle proposition ou prise de position du RN, au risque de se faire manipuler et d'en perdre notre latin ! Une fois pour toutes qu'il soit clair qu'on ne débat pas avec l'extrême droite, on la combat. Non, il est ici question de vivre en société, de manière aussi raisonnable que possible, sans pour autant s'aveugler sur la réalité d'une idéologie qui représente tout ce que nous abhorons. Dans les grandes villes il est facile de se couper de cette population dont les choix nous heurtent. Pas dans nos villes dont la vie, les moeurs, le rythme et les relations sociales sont demeurés ceux des villages qu'elles ne sont plus. Nous y vivons, pour certains d'entre nous nous y militons et/ou nous opposons à la municipalité quand ses actes, propos ou décisions sont clairement discriminatoires, en contradiction avec les valeurs républicaines, ou vont à l'encontre des lois en vigueur dans notre pays. Bref ! Nous en sommes, au même titre que tous les autres, un rouage quotidien. Il est de notre responsabilité, chacun à notre manière, d'être le grain de sable qui grippera la machine infernale du fascisme jusqu'à lui causer des dégâts irréparables. Alors prendre des gants oui, parfois, mais en tout état de cause toujours dire ce que l'on a à dire et faire ce que l'on doit faire. Sans états d'âme. Parce qu'il importe avant toute chose de demeurer droit dans ses bottes et de ne jamais prêter le dos à la moindre compromission. Faire société donc, mais sans se compromettre, sans se laisser pervertir, et sans jamais fléchir.
Cela peut sembler d'une folle exigence, mais pour qui aime suffisamment ses semblables cela n'a rien d'insurmontable. C'est même finalement assez facile, non pas de leur pardonner de ne pas être ce que nous voudrions qu'ils soient, mais de les accepter tels qu'ils sont. Etre capables de les écouter sans les juger, de parfois comprendre leurs motivations, et dans tous les cas pouvoir échanger avec eux sans acrimonie et surtout sans haine. Parce que s'opposer ce n'est pas haïr. Nous nous opposons à des idées et nous combattons une idéologie, cela ne signifie pas qu'il nous faut entrer en conflit avec nos proches, nos amis, nos voisins, nos commerçants, nos élus ou les employés municipaux de notre ville. Nous pouvons ne pas être d'accord et nous opposer, nous affronter dans des joutes verbales, des échanges de courriels ou de courriers, voire mêmes devant les tribunaux, mais on ne fait pas société en se déchirant. S'engager dans une veille citoyenne ou en politique ne signifie pas, ne devrait jamais signifier, entrer en guerre avec le reste du monde. Encore moins avec l'autre, celui ou celle que nous croisons tous les jours. Faire de la politique c'est organiser une vie sociale au sein d'une communauté, parmi des personnes qui ont choisi de vivre ensemble. Ensemble, pas simplement côte à côte. Comme seule peut le permettre une société évoluée, moderne et démocratique. Alors restons vigilants mais demeurons civilisés.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire