Assister à l'effondrement d'un paysage
politique convenu et familier n'est pas chose ordinaire. Il est
toujours passionnant d'être en marge des événements pour porter sur eux un regard distancié nécessaire à toute objectivité. Ce qui ne signifie pas qu'il n'y ait aucun parti pris, notamment lorsque les valeurs citoyennes sont en équilibre instable.
Depuis une dizaine d'années nous assistons à la lente implosion du Parti Socialiste, laquelle répond à l'engourdissement de longue date du Parti Communiste et à la déliquescence du parti Les Républicains si mal nommé ! L'émergence des discours populistes de droite comme de gauche apparaît sur fond de crise républicaine bien plus que sur celui d'une crise économique dont on nous rebat les oreilles par commodité pour nous endormir. Notre système politique révèle ses failles, et elles sont nombreuses. Le financement des partis par les législatives est l'une d'elles, et cette moralisation qui devrait aller de soi mais que l'on envisage de légiférer pour l'imposer en est une autre. Quelque part, indubitablement, les deux sont liées. Aujourd'hui on ne peut plus fermer les yeux, faute de voir s'effondrer tout ce qui fonde la République. Changer les choses, révolutionner avec intelligence et dessiner un nouveau paysage politique, plus sain, plus en accord avec notre société, semble inévitable. Mais les sirènes alarmistes ne sont pas de mise pour construire une société nouvelle ! Nous ne devons pas embarquer nos peurs et nos angoisses à bord d'une embarcation fragile qu'il nous reste à finaliser. Et cela le citoyen lambda doit impérativement en prendre conscience. Il lui revient de cesser de se sentir menacé en permanence au risque de s'emballer pour tout et pour rien. Cela s'appelle grandir. La maturité seule, quel que soit l'âge, permettra de jeter des bases solides. Si tous les excités montent à bord en traînant leur vilain paquetage, la noyade par le fond est assurée.
Les français se sont peu à peu détachés de leurs obligations citoyennes, ils remettent en question les fondements de notre République en s'attachant à la forme plus qu'au fond et sont devenus avares de leurs voix en période électorale. L'abstentionnisme est l'un des fléaux de notre pays, la perte d'une conscience collective et du sens de l'intérêt général vont de pair avec ce refus d'accomplir le geste citoyen ultime. Celui de faire front et d'appeler à l'union républicaine. Un geste qui n'a rien de déshonorant quoiqu'en pensent certains qui, de fait, digèrent mal leurs échecs successifs. Quel que soit l'angle sous lequel on se place, il n'est pas admissible de tolérer la présence de l'extrême-droite, encore moins de la favoriser. Cela signifierait que nous n'aurions rien appris, que tous ceux qui sont morts pour notre liberté se seraient sacrifiés pour rien. Hors le but d'un sacrifice est d'influer positivement sur une situation donnée, on ne se sacrifie pas comme çà, un beau matin, juste pour le fun ! Quid des souffrances du passé quand elles pèsent dans l'escarcelle politique ? On ne peut ni les nier ni les minimiser, elles sont pour nombre d'entre nous inscrites dans nos gênes. Les discours qui visent à intellectualiser les refus d'union républicaine, et donc à se distancier d'une réalité dont on peut se demander si elle dérange vraiment, ne font pas honneur à ceux qui les conçoivent. S'unir dans un moment et une circonstance donnée dans l'intérêt de la Nation ne signifie pas renoncer à ses idéaux. Bien au contraire, cela permet ensuite de s'exprimer avec la voix claire et forte de ceux que leur conscience laisse dormir la nuit. Il est plus admirable de mettre momentanément un mouchoir sur ses convictions dans l'intérêt général, que de le garder pour plus tard en cas de gros rhume...
A de nombreuses périodes de l'histoire de la Vème République des présidents ont suscité des élans de confiance leur assurant une forte majorité dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale. La situation que nous vivons n'a rien d'exceptionnelle, et il suffit d'un peu de mémoire pour raison garder. L'attribution proportionnelle des sièges voulue par Charles de Gaulle pose cependant aujourd'hui la question d'une représentativité objective de toutes les forces politiques. Si l'on peut à juste titre craindre l'impact négatif d'une représentation populiste qui bloquerait des mesures nécessaires à l'évolution positive de la France, nous devons reconnaître qu'on ne saurait défendre les libertés individuelles et refuser à quelques-uns l'opportunité de faire entendre leurs voix. La tempérance assainit le débat démocratique, elle est nécessaire. Il apparaît aujourd'hui que nous devons nous atteler à ce chantier démocratique pour laisser émerger une forme plus acceptable de scrutin législatif. Les français doivent se sentir en accord avec ce pour quoi on leur demande de voter, hors à moins de rendre le vote obligatoire nous en sommes très loin. La situation s'aggrave à chaque élection, il devient impératif de prendre le taureau par les cornes pour vaincre l'abstentionnisme. Chacun de nous, quelle que soit son orientation politique, a besoin de se sentir objectivement représenté. Cette fois encore ce ne sera pas le cas.
Au-delà de mon engagement militant contre l'extrême-droite mes convictions demeurent ancrées dans la défense de nos libertés, à ce titre je crois primordial de donner à chacun la possibilité de se faire entendre. Savoir ce que l'autre a à dire permet de mieux le combattre. Pour autant il n'est pas envisageable d'aborder ce second tour sans espérer une levée de boucliers citoyens face à un parti qui n'est pas, qui ne sera jamais, républicain. Il existe, certes, mais il contrevient par sa position idéologique et l'axe de son programme à l'article 1er du préambule de notre Constitution :
"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales."
Dont acte. Car à cette lecture une seule certitude : donner la parole à tous, oui. Laisser dire et faire n'importe quoi, non. Etre citoyen c'est connaître sa propre Constitution, ses propres lois, c'est savoir dire "Stop !" et brandir un panneau "Attention ! Danger !". A Beaucaire nous le faisons depuis trois ans, mais en-dehors des périodes électorales qui nous écoute ? Et surtout, qui nous entend ? Nous avons parfois le sentiment d'être un vent d'alerte qui souffle dans des coquilles vides... Plus que jamais aujourd'hui la mobilisation citoyenne a son importance, loin de toutes les considérations politiques songez au quotidien de ceux qui vivent sous le joug du Front National chaque jour et demandez-vous si vous voudriez prendre notre place.
Une note positive dans tout cela ! Je suis de celles et ceux qui se féliciteront toujours de voir les partis extrémistes, et particulièrement le Front National, prendre une claque électorale. L'élan qui a porté Marine Le Pen au second tour des élections présidentielles est retombé comme un soufflé raté, c'est un soulagement. Les abstentionnistes ne figurant pas dans les rangs de ce parti il est vain de revenir sur le taux record des abstentions de ce premier tour, une plus forte participation aurait certes contribué à enfoncer plus encore la tête de ces candidats dans le sable, mais la manipulation des chiffres telle que la pratique Julien Sanchez sur les plateaux de télévision ne change rien à la réalité. Reconnaissons tout de même qu'il est jouissif de constater que dans notre belle Occitanie, mieux encore dans notre département du Gard, les candidats du Front National se retrouvent majoritairement au second tour mais ne partent pas favoris. Seuls trois d'entre eux, et pas de moindres, sont en tête de liste : Louis Alliot, Gilbert Collard, Emmanuelle Ménard. Les autres candidats sont en ballottage pour certains, dont Yoann Gillet face à Françoise Dumas, la députée sortante. Le reste des candidats du Front National et apparenté font figure d'outsider. Et en politique les outsiders ne franchissent pas la ligne d'arrivée.
http://www.homme-moderne.org/textes/classics/ereclus/jgrave.html
RépondreSupprimerMerci pour ce partage ! Cela dit, si j'apprécie la prose d'Elisée Reclus à sa juste valeur je ne partage pas totalement son sentiment. Mais son texte donne matière à réflexion...
Supprimer