Le Front National fonctionne sur un modèle monarchique absolu pour ne pas dire totalitaire. La famille Le Pen perpétue au travers des générations la gouvernance d'un parti fondé sur la xénophobie et la discrimination. Le Congrès qui vient de se dérouler ce week-end à Lyon n'a pas ébranlé les fondations d'un pouvoir qui se transmet avec la même sérénité qu'une recette de famille.
Maître à penser incontesté des extrémistes en tous genres, admiré voire vénéré par les anciens comme par les plus jeunes, Jean-Marie Le Pen n'a jamais cessé de défendre sa vision du parti depuis sa fondation par Ordre Nouveau en 1972. Sa ligne directrice demeure inchangée, toujours aussi acharnée à stigmatiser l'étranger quel qu'il soit et d'où qu'il provienne. Il reste le chef de file respecté des nationalistes français et il faut lui reconnaître un entêtement à suivre la ligne conductrice qu'il a initiée sans avoir jamais dévié. Les dérapages ponctuels dont il nous régale sont soigneusement contrôlés et contribuent au succès grandissant du Front National en divertissant la presse à laquelle il donne matière à citer son nom encore et encore. Assurant ainsi à son parti une publicité récurrente qui pour aussi douteuse qu'elle soit se révèle redoutablement efficace ! Jean-Marie Le Pen est une épée à double tranchant. D'un côté il choque par ses propos et ses écarts de langage, de l'autre il rassure un électorat qui ne se reconnaît pas toujours dans la nouvelle politique menée par le directoire.
Marine le Pen est à la tête du parti depuis le congrès national de Tours en 2011 et a su le faire évoluer vers la respectabilité que l'on attend d'un parti politique de cette envergure. Respectabilité de façade uniquement basée sur des faux-semblants, et envergure acquise en ratissant le plus largement possible avec un discours populiste et démagogique qui sonne comme une promesse de paradis aux oreilles des frustrés en tous genres. Personne n'a pour l'instant la stature pour prétendre au trône transmis par son père, Bruno Gollnisch avait essayé et il a perdu. Marine Le Pen veille depuis des années à cette image de française moyenne qui permet à chacun de se sentir en phase avec elle. La sobriété de ses tenues, sa vie de famille somme toute banale très loin de celle d'une riche héritière, ses démêlés avec la justice pour ses points de permis, ses "fâcheries" avec son père et jusqu'à la perte de son chat sont mis à la portée des français par des tweets et de brefs communiqués habilement distillés qui lui assurent la sympathie et le regard bienveillant de ses électeurs. Marine Le Pen se flatte de ressentir ce que ressent le peuple et le peuple aime çà ! Sa proximité identificatoire (pour reprendre une formule du sondeur IFOP Frédéric Daby) et sa simplicité ont décomplexé la parole raciste, et la parole tout court de ce peuple français qu'elle entend défendre et représenter. A tous égards elle demeure la reine incontestée de cette dynastie politique et bien malin celui qui parviendra à la déstabiliser. Marine Le Pen est un roc sans états d'âmes qui n'aspire qu'à une seule chose : le pouvoir absolu.
Dans la continuité familiale l'ascension fulgurante de la benjamine, Marion Maréchal Le Pen est inquiétante à bien des égards. Jeune et jolie, intelligente, elle incarne cette jeunesse frontiste policée qui contribue à asseoir la respectabilité du Front National. Pourtant Marion Maréchal Le Pen s'inscrit dans la droite ligne d'une politique identitaire sans concession qu'elle revendique avec le sourire et une belle aisance. Ses arguments elle les dispense aux médias sans hésiter, ses soutiens elle les trouve aussi bien parmi les cadres du parti qu'au sein des groupuscules identitaires et elle bénéficie de celui, inconditionnel semble-t-il, d'un Jean-Marie Le Pen rayonnant de fierté. En lui transmettant ses idées les plus nauséeuses en même temps que son nom il réussi un doublé là où il avait échoué avec sa fille. Il n'y a pas à douter que la benjamine continue son ascension au sein du Front National et devienne un jour prochain la plus sérieuse candidate à la succession que l'on puisse envisager. Pour l'instant elle se tient modestement à l'écart du bureau exécutif pour ne pas alimenter les craintes d'un front exclusivement familial à la gouvernance du parti, mais en remportant haut la main l'élection au Comité Central du parti devant un Florian Philippot dont la ligne nationaliste étatiste ne rassemble pas tous les militants elle s'installe dans un fauteuil confortable à la droite du trône. Sa popularité et les idées somme toute classiques qui ont présidé à la création du Front National et qu'elle perpétue assurent au parti l'adhésion de la frange la plus extrémiste du nationalisme identitaire en France. Avec Marion Maréchal Le Pen le parti joue sur les deux tableaux, grâce à elle Marine Le Pen voit grand et elle voit loin.
Le famille Le Pen peut envisager l'avenir sereinement. La normalisation entreprise depuis quelques années porte ses fruits, il n'est plus marginal de voter Front National, encore moins d'assumer une adhésion à son idéologie et son programme politique. La vacuité de celui-ci se noie dans les grandes lignes d'un discours discriminatoire et xénophobe, réceptacle parfait des revendications et des peur d'une partie de la population française. L'immigré devient ainsi le bouc émissaire tout désigné des crises que vit notre pays, économiques aussi bien que sociales et politiques. Le Front National porte désormais ses regards sur cet électorat absentéiste auquel elle offre sur un plateau la motivation qui les fera sortir de chez eux. La complaisance de certains médias alimente la progression et la normalisation d'un parti qu'ils n'osent pas pour la plupart attaquer frontalement. Recevoir les pointures du Front National, donner la parole aux pseudos penseurs qui étoffent des théories dont il ne reste en mémoire que le plus inquiétant des racismes, faire la part belle aux déclarations de toutes sortes... Et oublier qu'en face quelques-uns se démènent pour crier la vérité, pour informer, pour alerter ! Résultat ? Un électorat dangereux qui s'étend et grandit parmi toutes les couches sociales de la population, une parole raciste libérée, décomplexée et de plus en plus agressive. L'histoire nous l'a pourtant appris : l'extrême droite devient majoritaire dans un pays quand elle atteint toutes les couches de la société et finit par rallier la bourgeoisie. Nous y sommes, et c'est cela qui doit nous alerter.
La lignée Le Pen n'est pas prête de s'éteindre. Le vieux roi est toujours alerte, la reine tisse sa toile et la princesse étend son pouvoir. Ce n'est pas un conte de fées. Ne vous y trompez pas, c'est une pièce dramatique en trois actes et l'on est déjà au cœur du second. Il est temps, Peuple de France, de te révolter !!!