De tous les mystères qui parsèment nos vies, il y en a un que j'ai vraiment à cœur d'éclaircir. Vous me direz qu'il est de moindre importance comparé à l'au-delà, la vie après la mort, l'existence de Dieu, la conception et la naissance des enfants, la crise d'adolescence, l'orgasme... Mais à bien y réfléchir cela tient un peu de la crise d'ado et beaucoup de l'orgasme pour les concernés. A savoir ceux qui entretiennent ce mystère. Pour moi qui tente de l'élucider, cela s'apparente plus à une crise d'urticaire.
Je vous explique ! Je me définis volontiers comme "un grossier personnage", j'émaille depuis toujours mon langage de quelques jurons bien sentis au grand désespoir de mes proches qui ne sont jamais parvenus à me faire passer cette mauvaise habitude. C'est ma façon de m'exprimer, ma petite note de révolte contre la société ! Mais je n'en oublie pas pour autant la très bonne et très stricte éducation que j'ai reçue et que j'ai eu à cœur de transmettre à ma fille. Ce que j'ai parfaitement réussi. Je l'ai élevée notamment dans cette certitude qu'elle n'avait absolument aucun droit de parler comme moi, et je suis fière de pouvoir affirmer qu'en cela elle ne me ressemble en rien. Car soyons clairs, savoir s'exprimer dans un langage châtié vous ouvre des portes que le contraire vous claque en pleine figure. Il en va de même pour l'expression écrite de notre belle langue, laquelle est semée de tant de pièges que certains ne s'efforcent même pas de les éviter. Il est fort pénible d'avoir à lire sur les réseaux sociaux, et parfois même à déchiffrer, des commentaires ou des posts rédigés dans un français approximatif d'où toute syntaxe basique a mystérieusement disparu. Et ne parlons même pas de l'orthographe déplorable et d'une grammaire aux abonnés absents... Précisons que savoir s'exprimer correctement dans sa propre langue n'est pas l'apanage de ceux qui vont jusqu'au baccalauréat ou bien au-delà, les bases en étant enseignées dès le primaire elles sont censées être acquises avant l'entrée au collège. Nous en sommes très loin, et en rejeter systématiquement la faute sur le système, en l'occurrence l'Education Nationale, reviendrait à déprécier le travail des instituteurs. Ce que je ne ferais pas, car en-dehors de l'école l'éducation est affaire à parts égales d'environnement familial et de travail. Et là c'est encore un autre problème.
Mon propos est tout autre. J'aimerais que l'on m'explique pourquoi la majorité des militants et sympathisants d'extrême-droite, et plus particulièrement du Front National, ne sont pas capables d'aligner deux phrases dans un français correct et poli. Pourquoi leur est-il impossible d'échanger tout simplement, sans agresser et sans insulter l'autre ? Si nous, qui visiblement avons le don de les faire sortir de leurs gonds quoique nous disions ou fassions, pouvons échanger en veillant à les respecter, pourquoi n'y parviennent-ils pas également ? Il s'agit là d'un mystère, un vrai. Je ne songe nullement à remettre en cause leur niveau d'études, mais celui de leur éducation certainement ! Par éducation j'entends cet ensemble d'usages sociaux qui régissent la vie en société, ce qui inclut nos actions et nos propos. Toutes choses qui ne sont pas liées à une origine ou un niveau social et qui forment ce que l'on nomme "une bonne éducation". Nous apprenons à nos enfants les règles basiques de la politesse dès qu'ils savent parler, mais il semble que ces personnes aient tout oublié de ce que leurs parents à n'en pas douter leur ont inculqué. Devenus adultes, ou pensant l'être, ils s'estiment dégagés de toute obligation de respect envers quiconque ne partage pas leurs idées.
Je vous vois d'ici levant les bras au ciel et invoquant la foudre pour me dissoudre sur place, mais je fonde cet inquiétant constat sur l'expérience que nous, militants citoyens, vivons au quotidien. Il est aisé de démontrer qu'au sein des mouvances d'extrême-droite l'injure et l'agression, écrites comme verbales, ont force de loi. Cela, et cette incroyable faculté de retournement des situations pour aboutir à une victimisation systématique d'eux-mêmes comme de leurs idoles, en disent long sur ce qu'est réellement cette base militante que Marine Le Pen prétendait avoir muselée pour accéder au pouvoir. Mais lorsque ces écarts de langage et cette violence, verbaux comme écrits, sont l'apanage de leurs élus, comment reprocher à leurs électeurs de calquer leur comportement sur le leur ?
Je le constate chaque jour, rien n'a changé au Front National, et certainement pas ses militants. Dans nos villes tombées aux mains de ces jeunes loups ambitieux leur parole fait foi. Quoiqu'il se passe, et même le pire, les militants refusent les faits et vous bombardent d'insultes, de propos discriminatoires et sexistes, de menaces et de charmantes invitations à déménager. Ce que je ferais sans doute un jour, mais pas dans l'immédiat. J'ai encore quelques mystères à percer, et quelques dents à faire grincer... Veuillez m'excuser, je serai pour les trois années à venir trop occupée pour faire mes cartons.