mardi 29 octobre 2019

ADN DU RN : CONSTAT



L'ADN du Rassemblement National n'a pas évolué d'un iota ! La stratégie de normalisation du parti menée par Marine Le Pen depuis son élection à la présidence en 2012 a sans aucun doute abusé une partie des français, encouragés dans leurs choix électoraux par une situation de crise qui génère des peurs sociales légitimes. La démission de nombreux politiques et l'avidité de certains médias qui cherchent à faire grimper l'audimat plutôt que de privilégier l'information y ont grandement contribué. Les sites de réinformation de la fachosphère ont fait leur job à grands renforts de fake news, de buzz fondés sur des intox et de communication identitaire assurée par des militants d'extrême-droite radicalisés qui se sont autoproclamés "journalistes" ou "lanceurs d'alerte". Et cela a fonctionné. 

Les polémistes ont envahi les tribunes médiatiques pendant que de pseudos spécialistes de pacotille appuyaient leurs discours racistes, discriminatoires et négationnistes par des analyses censées démontrer qu'ils détenaient LA vérité. Repris en boucle par une certaine presse qu'on ne prendra plus la peine de nommer, par une partie de la classe politique toutes tendances confondues, et par des mouvements tendancieux comme le Printemps Républicain dont on se demande encore comment quiconque de sensé peut leur accorder un peu de crédit. Ce mouvement a de la laïcité une vision curieusement très concordante avec l'extrême-droite, au point de partager le même hashtag #pasd'amalgames suite à l'attentat de Bayonne, et d'attiser les mêmes peurs dans l'affaire du voile qui alimente la polémique du moment initiée par Julien Odoul. Gauche, droite, extrême-droite ? En ce moment les murailles qui les séparent explosent. 

Je suis pour un juste équilibre politique dans lequel tous les courants de pensée peuvent s'exprimer dès lors qu'ils sont en accord avec les lois de la République. Ce qui n'est en rien le cas du Rassemblement National qui n'en respecte aucune dès lors que cela dessert ses intérêts. Preuve en est l'embauche de Damien Lefèvre/Rieu au poste d'assistant parlementaire du député européen du Rassemblement National Philippe Olivier, le monsieur stratégie du parti. Pendant que Nicolas Bay embauchait de son côté Bastien Rondeau-Frimas, militant identitaire pro-Trump, pour remplacer Guillaume Pradoura qui ne manquera à personne. Non pas que ces deux-là puissent manquer à qui que ce soit ! Penser que le Parlement Européen va ouvrir ses portes à des identitaires, dont l'un est sous le coup de deux condamnations (voir notes) donne envie de se taper la tête contre un mur tellement cela semble aberrant. Et cela nous confirme, s'il en était besoin, que l'ADN du Rassemblement National n'a pas changé et ne changera jamais. Ils ont beau fleurir la vitrine pour faire illusion, les racines sont pourries...

Une pensée pour ce cher Damien qui paie de sa personne en toute circonstance avec obstination et un brin d'obsession, toujours là pour booster la communication redondante du parti qu'il a rejoint avec le même enthousiasme rafraîchissant que ses congénères identitaires, emboîtant le pas à Philippe Vardon qui roule des mécaniques en s'imaginant que son passé de néo nazi est tombé dans les oubliettes. Mais rien, jamais, ne sera oublié de vos actions déshonorantes pour la République. Rien ne vous sera concédé ou pardonné. Et pour ce qui Damien Lefèvre/Rieu qui a sévi trop longtemps à Beaucaire, nous fondons sur les deux décisions de justice qui planent au-dessus de votre tête tous nos espoirs de vous voir payer un jour prochain vos choix racistes et discriminatoires assumés avec tant d'arrogance. C'est promis, je me fendrai même d'un panier d'oranges et d'une petite carte ce jour-là !

Notes
1- 07 décembre 2017
Damien Rieu est reconnu coupable de "provocation à la discrimination nationale, raciale, religieuse par paroles, écrits, images ou moyens de communication au public par voie électronique et de dégradations de biens d’autrui, commises en réunion". Il est condamné à :
- un an d’emprisonnement délictuel, assorti du sursis total et d'une mise à l’épreuve pendant 2 ans
- obligation de réparer les dommages causés
- cinq ans de privation de ses droits civiques, civils et de famille

2- 29 août 2019
Damien Rieu est reconnu coupable "d'exercice d’activités dans des conditions de nature à créer une confusion avec une fonction publique". Il est condamné à :
- six mois de prison ferme
- 2 000 euros d’amende
- cinq ans d’interdiction de ses droits civiques, civils et de famille





dimanche 27 octobre 2019

COMMUNAUTÉ VS COMMUNAUTARISME



J'entends et je lis de plus en plus fréquemment, ici et là, des sursauts d'indignation dès lors que l'on emploie le terme "communauté". Que cela vienne d'une droite désertée par l'esprit républicain qui en fait des caisses pour qu'on ne lui reproche pas de stigmatiser l'autre, ou que cela se produise au sein d'une certaine gauche qui elle, à force de forcer le trait républicain, obtient l'effet inverse et pave le chemin de l'anti républicanisme le plus crasse de ses trop bonnes intentions, le terme fait frémir d'angoisse les plus braves. Un subtil mélange d'ignorance couplée à la peur primale d'être à son tour montré du doigt qui fait sursauter le citoyen lambda... Mais qu'en est-il exactement du terme en question ?


Il me paraît aberrant d'avoir à rappeler que le terme "communauté" n'est ni un gros mot ni un adjectif qualificatif stigmatisant. Il s'agit là uniquement d'un mot qui désigne des personnes qui ont en commun des us et coutumes, une religion, une origine, une ville de naissance, un métier, la pratique d'un sport, un talent artistique, voire même des pratiques sexuelles. Pas un gros mot donc, uniquement un mot qui rassemble tout ce petit monde dans une seule escarcelle.

Pourquoi cette réaction gênée, ces dénégations outrées ? Probablement parce que de nombreuses personnes assimilent "communauté" à "communautarisme". Or le communautarisme désigne une tendance socio politique englobant une ou des communautés, ce qui est très différent. Né aux Etats-Unis, ce terme définit en premier lieu la fonction sociale des organismes communautaires, mais cette définition varie d'un pays à l'autre. Ainsi en France le communautarisme désigne le fait de revendiquer des droits différents justifiés par l'appartenance à une communauté, qu'elle soit culturelle, ethnique ou religieuse. C'est donc un projet sociopolitique qui vise à soumettre les membres d'un groupe aux normes propres à ce groupe, et donc à encadrer les opinions, les croyances, les comportements de ceux qui sont supposés appartenir à cette communauté. Selon Gil Delannoi (1) "Si le nationalisme est une obsession de la Nation, le communautarisme est une obsession de la communauté."

Mais qu'en est-il de l'emploi récurrent de ce terme ces dernières années ? On remarquera qu'il n'est utilisé que pour désigner des minorités ethniques, religieuses ou socio culturelles, jamais par exemple pour ce milieu bourgeois, presque exclusivement blanc et masculin, qui forme le monde très fermé des décideurs économiques et politiques. Je cite ici Sylvie Tissot (2) "La communauté se voit parée de toutes les vertus quand elle est nationale, et elle appelle une allégeance, un amour, un dévouement impérieux et exclusifs, donc un "bon communautarisme". Elle devient suspecte dès qu’elle est régionale, sociale, sexuelle, religieuse, ou plus précisément dès que, sous ces différentes modalités, elle est minoritaire." Très clairement, l'emploi du terme "communautarisme" légitime un discours raciste et tendancieux. Or si ce mot rencontre des réalités sociales et sociétales avérées, il n'est pas employé dans ce sens mais dans celui de ceux qui le dénoncent comme une forfaiture envers notre modèle de société qu'il faut par tous les moyens rejeter. 

Dans leur livre "L'illusion Nationale, deux ans d'enquêtes dans les villes FN", Vincent Jarousseau et Valérie Igounet ont employé le terme "communautaire" dans leur présentation de Beaucaire : "Quelques cafés et commerces, principalement communautaires, subsistent dans les rues principales." (p. 52). Des beaucairois de tous bords ont sauté au plafond et violemment critiqué cette phrase sur les réseaux sociaux, lui attribuant d'emblée une connotation tendancieuse. Pourtant "communautaire" signifie simplement "qui relève d'une communauté" et n'a absolument rien de stigmatisant. Cet exemple démontre combien l'usage de la langue française est un exercice difficile pour certains qui se piquent de défendre les valeurs républicaines et qui, en voulant trop en faire, le font bien mal.

A tous ceux qui pointent du doigt les diverses communautés de notre pays, et elles sont légions, en les accusant de porter des revendications communautaristes et de menacer l'équilibre républicain, je rappellerai que seule une complète égalité des droits favorisera une égalité des devoirs et l'atténuation des communautarismes. Et nous en sommes très loin. Les communautés qui subissent harcèlement, violences, racisme, haine et discriminations se replient sur elles-mêmes pour se protéger de la vindicte de leurs agresseurs. C'est un réflexe naturel que l'humanité porte en elle depuis la nuit des temps. Commencez par accorder à tous le droit de vivre et d'exprimer leurs choix de vie en accord avec les lois de la République, et cessez de les désigner comme les boucs émissaires de toutes vos frustrations.

A la réplique majeure censée vous couper le sifflet et vous remettre la tête à l'endroit, que d'aucuns vous balancent de manière comminatoire et sans aucune subtilité "Il n'y a pas de communautés, il n'y a que des citoyens et des citoyennes." je répondrai oui, certes. Mais certain(e)s le sont plus que d'autres. Et tant que cela existera les communautés continueront à favoriser à ce communautarisme que tout le monde regarde, souvent à juste titre, avec défiance. 

Petite précision. Si l'on admet que le communautarisme se définit majoritairement par des valeurs de référence qui sont essentiellement traditionnelles et construites sur un passé mythique ou idéalisé, on notera que les groupes identitaires liés à l'extrême-droite sautent à pieds joints dans cette description. On peut ainsi remarquer qu'ils sont les premiers à désigner "le communautarisme" comme une menace pour la République, et que de trop nombreux politiques de droite comme de gauche leur emboîtent le pas en occultant volontairement le fait qu'ils relaient des communautaristes d'extrême-droite tout aussi menaçants. Quid de l'équité ? Encore une fois, dès lors qu'il s'agit d'une communauté blanche, chrétienne et bien propre sur elle, les plus virulents adversaires du communautarisme n'y voient que du feu, y compris lorsque la menace est au cœur de leur propre communauté. 

Notes 
1- Gil Delannoi est un  politologue et sociologue français, spécialiste du nationalisme, du libéralisme et de la pensée politique française contemporaine
2- Sylvie Tissot est une sociologue, professeure au département de sciences politiques de l’université de Vincennes-Saint Denis-Paris VIII. Elle milite pour les droits des femmes et les droits des étrangers